L'hôpital de Comines

Il est donc antérieur à nos hôpitaux lillois, Comtesse et Saint-Sauveur, et à celui de Seclin, lesquels datent de 1216, 1236 et 1257.

Les Archives de cet hôpital ont été jugées assez intéressantes pour être publiées dans la Collection des Inventaires sommaires des Archives hospitalières. - Notre savant archiviste départemental, M. Finot, a fait précéder cette publication d'une introduction qui forme une histoire intéressante de cet établissement. Le résumé que nous allons en donner sera bien accueilli, pensons-nous, par tous ceux qui recherchent les souvenirs de l'archéologie charitable et religieuse, et qui n'ont pas sous la main la collection toute spéciale que nous venons de nommer.

Le premier titre qui fait mention de l'hôpital de Comines date de 1196 ; il y est parlé de cet établissement comme existant depuis longtemps. C'est une donation de Bauduin du Bois et de sa femme, d'un pré de six cents de terre, en faveur de la table des pauvres de l'église de Comines, dont le revenu devra être employé à l'entretien de l'hôpital. Ce pré est encore aujourd'hui le jardin de l'hôpital.

Cette table des pauvres (mensa pauperum) dont il est question dans l'acte, devait être plus ancienne encore que l'hôpital qui paraît lui être subordonné, puisqu'on la charge de recevoir la donation et de veiller à sa destination. Elle devint plus tard la Table du Saint-Esprit, puis le Gheesthuys, et dura jusqu'en 1789.

L'hôpital était destiné aux malades, aux chartriers (infirmes) et aux pèlerins.

Les comtes de Flandre et les seigneurs de Comines l'enrichirent successivement. Par une charte d'avril 1238, nous voyons Baudouin de Comines et sa femme Gertrude faire don à l'hôpital de tot l'aport de le fontaine, très puis ke il commenca tant ke il durera, por soltenir et assier les povres chartriers gisans et les Frères et les Sereus ki les coukeront et lèveront.

C'est dans cet acte que, pour la première fois, le nom de Sainte-Marie est donné à l'hôpital.

HopitalCoCollegiale

Au centre la collégiale. A gauche la maladrerie en haut, le cloître (avec son clocheton) et l'hôpital
(Albums de Croÿ - JM Duvosquel - vers 1593)

En juin, 1246, Baudouin VII, sire de Comines, y institua une chapellenie en l'honneur de Dieu et de l'apôtre saint Jacques. Les Sœurs avaient la collation de cette chapelle dont les revenus primitifs consistaient en rentes annuelles de blé et d'avoine, d'une valeur de quinze livres. Il est probable que le chapelain n'avait pas grande besogne, car, un confirmant la donation l'évêque de Tournai lui donna les instructions suivantes que nous reproduisons d'après une traduction du XVe siècle : «Considérant que l'oysiveté corrumpt le courayge, et a enseigné beaucoup de maux, comme dict le sage, voulions que le chapelain dudict lieu face toujours quelque chose, affin que le diable le trouve toujours occupé ; aussy luy ordonnons de faire le négoce ou affaires de la dite maison, et de recueillir les debtes d'iceluy hôpital, s'il en est requis des Sœurs ; outre ce, qu'il oye la confession, des pauvres et des malades couchans illecq, administre l'Eucharistie et extrême-onction à iceulx, principalement de nuict, et quand le prebstre de paroisse sera occupé ou empesché; de seoir en quaresme en l'église paroysiale de Comines avec le prebstre de paroisse et ouyr les confessions, si toutefois ce soyt que le prebstre trouve bon de le requérir de ce, et s'il ne soyt occupé ou empesché aux négoces et affaires de la présente mayson, ou à quelque autre empeschement légitime, licite et honneste.

» Item, sera tenu de chanter en l'hospital tous les jours messe et vespres avecq note, sy ne soyt empesché légitimement, aussy à telle heure célébrer sa messe que le peuple puysse estre en la messe de paroisse pour ouyr les commandemens et aussi la parole de Dieu, lorsqu'il faudra la proposer ou annoncer.

» Item, sera tenu aux principales solenpnitès, assavoir à Pasque à la Pentecouste, au Noël et aux festivités de la benoîte Vierge, à la feste du patron, à la dédicasse de l'église et au jour de tous les Saints d'estre présent à la procession et grand-messe et vespres de l'église de Comines et ce avec vestement sacerdotal et habit de chœur.

» Item, sera tenu de jurer fidélité au prebstre de la paroisse et au prédict hôpital et promettre d'observer de bonne foi cette ordonnance. »

Les malades de l'hôpital de Comines étaient soignés par des Frères et des Sœurs, comme dans les hôpitaux comtesse, de Seclin, et de N.-D. de Théomolin à Orchies. Ils appartenaient à l'Ordre de Saint-Augustin ; à l'origine ils soignaient respectivement les malades de leur sexe ; des règles sévères, qui se retrouvent dans un manuscrit de l'hôpital de Seclin, leur étaient imposées pour éviter les abus qu'on aurait pu craindre. D'ailleurs les Frères et les Sœurs habitaient des quartiers séparés et ne se rencontraient qu'à la chapelle et dans les réunions générales de la Communauté.

Dans un tableau du Musée de Lille, représentant la fondation de l'hospice Comtesse, on voit d'un côté les maîtres avec les Frères en surplis, et de l'autre la prieure et les Sœurs en manteaux gris et voiles blancs.

HopitalCominesVers le milieu du XIVe siècle, il n'y avait plus de Frères à l'hôpital de Comines ; les Sœurs dirigeaient exclusivement la maison.

L'établissement eut plusieurs fois à souffrir des invasions et des guerres. Il fut presque détruit en 1579 et les religieuses, au nombre de six, durent se réfugier à Lille. A ce moment les Jésuites, qui désiraient s'établir à Comines, entamèrent des négociations avec le Pape pour obtenir la cession de l'hôpital et de ses biens. Ils le représentèrent dans un état de délabrement tel qu'il lui serait impossible de recevoir dorénavant des malades ; ces démarches n'aboutirent pas et les Augustines, maintenues dans leurs biens et privilèges, réparèrent la maison.

En 1674, il eut encore à souffrir lors de l'explosion des fortifications du château, ordonnée par le maréchal d'Humières. Il fut laïcisé en 1793, mais la commission municipale qui en prit l'administration parvint à sauver de la vente ou du pillage la plupart des objets précieux qui s'y voient encore aujourd'hui. En 1802, le Maire, M. Lambin, rappela les Augustines.

Nous ne pouvons mieux terminer qu'en citant textuellement M. Finot : « Un hôpital vieux de près de huit siècles méritait cette courte notice, qui n'est qu'un bien faible hommage rendu aux actes de dévouement obscur, d'abnégation latente pour ainsi dire, et de sacrifice perpétuel dont ses murs ont été témoins pendant ce long intervalle. Les annales des 81 hospices qui couvraient la Flandre, le Hainaut et le Cambrésis en 1789 ne seraient pas moins intéressantes, si on pouvait les recueillir et les grouper, que celles des 60 champs de bataille dispersés sur le sol de cette région ; elles montreraient que, même au moyen âge, chez les populations flamandes, l'esprit de charité chrétienne, de solidarité, nous ne dirons pas sociale, mais communale, car les hôpitaux étaient encore plus qu'aujourd'hui réservés aux habitants de la cité et des localités l'entourant immédiatement, se développa rapidement et parallèlement avec les progrès du commerce et de l'industrie et le goût des libertés municipales

Souvenirs religieux de Lille et de la région, 1890