Le dimanche, 11 décembre 1740, dans l'église de Linselles, fut exécutée au prône de la messe paroissiale, avec extinction de cierges et au son funèbre de la grosse cloche, une sentence d'excommunication.

excommunicationElle fut prononcée le 3 du même mois par l'officialité de Tournai contre deux personnes dont l'une était de Deûlémont et l'autre de Comines, et qui avaient contracté ensemble un mariage criminel, la femme ayant encore son premier mari vivant.

Les deux coupables étaient venus s'établir, vers 1735, à Linselles, où la Providence avait voulu que leur crime fût découvert par le curé qui en avait informé l'official de Tournai. Bien que celui-ci les eût obligé de se séparer, ils s'étaient réunis de nouveau et avaient encore séjourné à Linselles pendant un an, se retirant ensuite à Wervicq; mais sur les franchises de Blaton, avec un incroyable mépris de l'excommunication dont ils étaient menacés. Au mois d'août 1740, le curé de Linselles avait enfin obtenu leur expulsion des Franchises par les officiers du comte de Middelburg, mais en se retirant à Deûlémont, ils avaient continué leur conduite scandaleuse, méprisant les avertissements et les remontrances du curé de cette paroisse, et s'étaient enfin attiré la terrible sentence de l'excommunication personnelle que, pour l'exemple, l'official avait voulu faire exécuter avec éclat non seulement à Deûlémont, mais aussi à Wervicq et à Linselles.

Jamais on n'avait vu pareille cérémonie à Linselles et elle parut si lugubre et si effroyable que les assistants fondirent en larmes, « surtout quand ils entendirent que ce n'était là qu'un faible crayon de ce qui arrivera au jour du dernier jugement quand Jésus-Christ le souverain prêtre, au son des trompêtes et parmi l'embrasement de l'univers, bannira du ciel et frappera du glaive de l'excommunication éternelle, tant de pécheurs qui n'y pensent pas à présent et qu'au mépris de ses charitables avertissements refusent de retourner à lui par une véritable pénitence et conversion de cœur. »

Moins d'un an plus tard, les malheureux obtinrent la levée de l'excommunication ; l'annonce en fut faite à Linselles ; mais la solennité de leur réconciliation avec l'église n'eut lieu qu'à Deûlémont où le coupable parut dans l'église, au prône de la messe paroissiale, avec toutes les marques et protestations d'une pénitence sincère. Quant à la femme, elle se retira à Comines, lieu de sa naissance, avec ordre de réparer, par une vie exemplaire, le long et effroyable scandale qu'elle avait causé en plusieurs paroisses du voisinage.

Th. LEURIDAN, Histoire de Linselles, ch. XXIII