Ordonnance donnée à Bruxelles, le 27/11/1664

Cette ordonnance interdit la vente de rubans et de passementeries produits mécaniquement, aux Pays-Bas méridionaux ou ailleurs. La production mécanique entraîne un chômage dans les métiers traditionnels, et il en résulte des produits de qualité inférieure.

Par le Roy. Comme par plaintes nous faites de la part des doyens et supposts des passementiers et rubaniers de nos villes de Bruxelles, Anvers, Gand et autres, il est venu à nostre connoissance que leur traficq et mestier se diminuoit tous les jours infiniment, à cause que tant de Viane et Culenbourg que d'autres places entroit secrètement une grande quantité de rubans, passemens et autres ouvrages de soye et de filoselle, lesquels on y fairoit sur certains instrumens et moulins avec lesquels une personne seule pourroit autant faire desdits ouvrages que seise sur leurs mestiers et outils ordinaires, par où il arrivoit qu'un grand nombre de nos sujets qui à présent gaigneroient leur vie travaillant sur lesdits mestiers, seraient contraincts de chercher des autres moyens pour leur subsistence, outre qu'on trouve que les rubans et ouvrages qu'on travaille et fait sur lesdits moulins ne sont pas si égaux ny de telle bonté, valeur et fermeté que ceux qu'on fait sur lesdits mestiers ordinaires, mais qu'au contraire lesdits ouvrages sont plus clairs et inégaux, c'est pourquoy, voulans remedier aux plaintes susdites et prévenir aux inconveniens qui en pourraient prendre leur origine et maintenir chascun dans son traficq afin qu'il puisse gaigner sa subsistence, avons par la deliberation de nostre tres-cher et féal cousin Don Francisco de Moura et Cortereal, marquis de Castelrodrigo, de notre Conseil d'Estat, lieutenant, gouverneur et capitaine general de nos Païs-Bas et de Bourgoigne etc., et advis de nos tres-chers et féaux les chancellier et gens de nôtre Conseil ordonné en Brabant, ordonné, statué et défendu, comme nous ordonnons, statuons et défendons par cette, que doresenavant dans les provinces de notre obéissance personne ne pourra travailler ou faire aucunes sortes de rubans, passemens d'or, d'argent, soye, filoselle ou autres ouvrages qui pourraient aucunement appartenir ou toucher aux mestiers des passementiers et rubaniers sur lesdits instrumens et moulins, ou les faire faire, mais que tous lesdits ouvrages devront estre faits sur les mestiers, estais et outils ordinaires, a sçavoir un ouvrage seul à la fois par une seule personne et non plus, à peine que les maistres ou que sera trouvé qu'on a fait ou fait faire sur lesdits instrumens ou moulins, serat condamné au quadruple desdits ouvrages, outre la confiscation desdits moulins et instrumens, et que lesdits contraventeurs ne pourront ouvrir leurs bouticques ny exercer leur traficq l'espace de six mois, à compter immédiatement après qu'ils seront trouvez avoir contrevenu à cette nostre ordonnance.

Nous défendons aussi bien expressément que milles sortes de rubans ou passemens d'or, d'argent, soye, filoselle ou autres ouvrages qui pourroient estre tissuës ou faites sur lesdits moulins et instrumens hors des provinces de nostre obeyssance ou dans icelles par contravention à cette nostre ordonnance, ne pourront estre apportées, venduës ou distribuées dans icelles provinces, à peine comme dessus, à payer pour chasque contravention outre la confiscation desdits ouvrages qui seront ainsi apportez, venduz ou distribuez, à applicquer un tiers desdites amendes à nostre proufit, l'autre tiers au proufit du dénonciateur et le troisiesme au proufit de celuy qui en fera l'execution.

Et afin que ce que cy devant est ordonné soit observé avec plus d'effect, nous avons authorisé, comme nous authorisons par celtes, tous officiers et magistrats de pouvoir employer telles personnes qu'ils trouveront convenir pour faire les visites, calenges et devoirs requis et necessaires pour l'entretien de cette nostre ordonnance.

Et afin que personne n'en puisse prétendre cause d'ignorance, nous mandons à nos tres-chers et féaux les chancellier et gens de nostre Conseil en Brabant, mayeur de Louvain, amman de Bruxelles, escoutette d'Anvers, gouverneur de Limbourg, l'aulquemont, Daelhem, Rolleducq, et à tous autres nos justiciers, officiers et subjets qu'il pourroil appartenir et à chascun d'eux en particulier ainsi qu'il leur pourrait toucher, qu'incontinent ils facent publier cette nostre présente ordonnance par tout és villes cl lieux de leur jurisdiction respectivement, où l'on est accoustumé de faire cryz et publications, et de procéder et faire procéder à l'observance et entretenement d'icelle contre les transgresseurs et desobeyssans par l'execution des peines et amendes susdites, sans port, faveur ou dissimulation. De ce faire et ce qu'en dépend, leur donnons plain pouvoir, authorité et mandement especial, mandons et commandons à tous et chacun qu'en ce faisant, ils les entendent et obeyssent diligemment, car ainsi nous plaist-il.

Donné en nostre ville de Bruxelles le 27e de novembre l'an de grâce 1664, et de nos Règnes Ie quarante quatriesme.

Recueil des ordonnances des Pays-Bas, deuxième série, 1621-1665, Tome IV, p304 par René Vermeir, A.G.R. 2023