Histoire du Bizet.

HSBizet

3€, 1986, 35 pages (pour les frais de port nous consulter) par Gérard de Witte

SOMMAIRE

Avant-propos
Aux confins du passé
Au temps des Romains
Un immense trou noir
Redécouvertes
Viennent les gueux
Quand les frontières se dessinent
Quand le temps fait naître ou disparaître
A chaque Bizet sa destinée
A l'aube du XXe siècle
La guerre 14-18
Retour à la case départ
Les loisirs s'organisent 
Nouvelle terreur
A la veille d'aujourd'hui
Epilogue
Sources, notes et références

TABLE DES ILLUSTRATIONS
Carte des fermes issues des anciennes seigneuries
Carte du siège de la ville d'Armentières
Carte de Ferraris
Carte des limites entre les Royaumes des Pays-Bas et de France
Plan cadastral de Popp
Photos

Le Bizet, parcelle infime de terre perdue dans un pays, à peine grand comme un mouchoir, quelle est donc son identité ? Qu'est-il pour avoir la prétention de conter son passé ? Aurait-il dans sa mémoire des légendes à faire frémir des froideurs de l'épouvante, aurait-il des épopées à faire rougir des fumées de l'orgueil ? Il n'a ni l'une ni l'autre. Il n'est qu'un hameau menu et méconnu au bout du bout d'un territoire qui n'est, lui, guère plus qu'un dé à coudre...

Et pourtant, en dépoussiérant son passé, bien des découvertes paraissent à la lumière du jour. Il n'est pas qu'une petite bourgade coincée entre les méandres d'une Lys paresseuse ou cernée de tous côtés par des prairies grasses et des champs qui sentent bon la terre. Son horizon n'est pas qu'une ligne trop sage et trop morne. Au nord se dessinent les hauteurs boisées de La Hutte et celles plus grises mais émaillées des taches gaies du Mont Kemmel. Au sud quelques cheminées, témoins du passé glorieux des industries d'Armentières, cassent impitoyablement la monotonie du regard; en leur milieu éclate la blancheur crayeuse du clocher de Saint-Vaast à côté duquel se pelotonne le beffroi bulbeux de la mairie. De l'orient montent parfois les odeurs soufrées de l'argile se figeant à jamais dans les fours de la briqueterie; au passage, elles caressent le village comme pour lui rappeler qu'elles l'ont fait vivre puis vont se perdre loin, bien loin, du côté de Nieppe, là où le ciel semble accepter quand même de s'abaisser à toucher terre.

Ceci est le présent, ce présent qui s'est forgé sur le passé. Qu'en est-il de ce passé ? Quels secrets se cachent derrière ces noms, ces chemins, ces lieux, ces arbres, qui nous sont tellement coutumiers qu'on les évoque comme des outils utilisés momentanément sans jamais nous poser la question de la longue route qui a vu leur aboutissement ? Que connait-on de ces siècles et ces millénaires dont nous sommes maintenant les héritiers ? Avouons-le tout de go : encore bien peu de choses. Les raisons s'expliquent aisément. Il y a d'abord le fait que le Bizet n'a guère eu d'histoire lui étant propre au cours des temps qui ont précédé le nôtre. Une seconde explication dont l'importance n'est pas moindre est qu'à l'instar de toute la région d'Ypres-Armentières-Comines le hameau a été pilonne, dévasté, pillé et détruit pendant les quatre années de la première guerre mondiale. Aucune maison, aucun bâtiment n'est resté debout, aucune route n'est demeurée praticable. Toute population a fui devant la force terrifiante avec laquelle les armées en conflit ont broyé le sol, jusque dans ses entrailles.

Les seuls témoignages qui sont restés sont ceux que la population a emportés dans son exode, tels ces photos ou ces anciens papiers "importants" serrés souvent dans une boite de fer blanc qui a cheminé sur les routes de l'exil et qu’on surveillait d'un oeil embué par la tristesse de n'avoir pu sauver que le contenu d'un landau d'enfant ou d'une charrette cahotant au rythme d'un coeur battant la chamade. Il en est d'autres disséminés çà et là qui ont eu le bonheur de ne pas être ici quand s'abattait le malheur fait de feu, d'acier, de larmes et de sang. Ils ressurgissent quand par hasard on les retrouve. C'est tantôt une carte, tantôt une archive, tantôt une mention dans un texte écrit pour ailleurs. Il reste encore ceux enfouis dans la terre, dans cette gangue qui les a protégés avec jalousie pour les livrer fortuitement longtemps plus tard et faire l'aubaine des heureux inventeurs. Peu nombreux certes, ces vestiges ont néanmoins été suffisants pour inciter à les grouper, les comparer et tenter de saisir dans leur filigrane la réalité d'un passé qui acquiert de l'importance dans la mesure où l'on y adjoint une pointe de curiosité et un soupçon de sensiblerie.

Incontestablement cet essai restera lacunaire, il serait indécent d'avoir la prétention d'épuiser le sujet. Notre seul souhait est celui d'assembler les connaissances et de les relater en nous efforçant de rester prudent devant les pièges de l'erreur, pourtant inévitable.

Qu'il soit permis, avant de clore cette entrée en matière, de remercier toutes les personnes qui se sont déjà penchées le passé du village ou qui ont aidé à la construction de cette étude. Leurs écrits et leurs dires ont été une source précieuse de renseignements. L'hommage qui leur revient vaudrait au moins de les nommer mais leur nombre est tel que l'énumération ne pourrait qu'engendrer des omissions ou des ou des oublis. Puissent-elles accepter néanmoins le témoignage d'une profonde gratitude.